Durant quelques années, nous avons mis des horaires d’ouverture de nos bureaux (aujourd’hui uniquement sur rendez-vous) ; nous nous sommes alors heurtés à l’incompréhension de notre travail – des personnes entraient en demandant si nous étions une librairie, ou une bibliothèque, si nous pouvions faire des photocopies, etc.
En parallèle, avec le développement de l’autoédition ces dernières années, au milieu d’une flopée d’imprimeurs proposant d’éditer des livres, ou d’éditions à compte d’auteur… le moment me semble venu de faire un petit point de situation.
Un éditeur, selon le dictionnaire, c’est une « personne ou entreprise commerciale qui publie un ouvrage littéraire, scientifique, artistique, etc., et se charge, sous une forme ou sous une autre, de sa distribution » (Acad. française). le Robert nous dit la même chose : « personne (ou société) qui assure la publication et la mise en vente (d’ouvrages imprimés). Le Larousse est plus succinct : « personne physique ouh morale qui édite », ce qui nous renvoie au verbe « éditer » : du latin edere, publier, il s’agit de « publier et mettre en vente l’œuvre d’un écrivain, d’un artiste (musicien, plasticien, etc.
Si l’on remonte dans le temps, l’Académie française écrivait en 1740 : « Celui qui prend soin de revoir & de faire imprimer l’ouvrage d’autrui. Cet Ouvrage paroît avec une belle Préface de l’Editeur. Un Editeur anonyme. »
Bref, éditer, c’est « publier » un ouvrage. Certes. Alors, en quoi ce travail consiste-t-il essentiellement, si chacun peut, moyennant une certaine maîtrise des outils de traitement de texte, préparer la mise en page de son livre et l’imprimer par le biais d’un imprimeur ?
J’aime bien, souvent, jeter un œil à cette bonne vieille Encyclopédie de Diderot & D’Alembert ; parce que les penseurs du XVIIIe siècle avaient l’idée de poser à plat les connaissances, pour mieux comprendre notre monde. D’expliquer le monde pour comprendre ce qui échappait encore à la raison. C’est le siècle où l’on classifie la nature (Linné, Buffon…), où l’on herborise (Rousseau…), où l’on collectionne les minéraux (Goethe…), où l’on s’attache à comprendre le monde qui nous entoure. L’Encyclopédie a été entièrement numérisée sur un site d’une grande qualité : ENCCRE – Article « EDITEUR »

Bref, pour les auteurs de l’Encyclopédie, voici ce qu’est un éditeur :
EDITEUR, s. m. (Belles-Lett.) On donne ce nom à un homme de Lettres qui veut bien prendre le soin de publier les ouvrages d’un autre.
[…] 3. Il y a deux qualités essentielles à un éditeur ; c’est de bien entendre la langue dans laquelle l’ouvrage est écrit, & d’être suffisamment instruit de la matiere qu’on y traite.
4. Ceux qui nous ont donné les premieres éditions des anciens auteurs grecs & latins, ont été des hommes savans, laborieux & utiles. […]
De nos jours, quel est le travail de l’éditeur ? Si je résume…
Nous recevons une foule de manuscrits (j’en parlerai dans un prochain article). Parmi ces manuscrits nous choisissons ceux qui nous plaisent, nous font vibrer, et ceux qui (cela devrait être le critère majeur, mais… pas chez nous ! si vous regardez notre catalogue, vous comprendrez vite qu’on ne privilégie pas toujours le commercial…) s’avèreront les plus rentables, ou qui seront les plus faciles à placer en librairie ou correspondront le mieux aux critères promotionnels, aux attentes du public.
Après le choix, vient le travail avec l’auteur. Être éditeur, c’est porter un regard extérieur sur le manuscrit, proposer un autre angle. L’éditeur, c’est celui qui crée une porte entre l’auteur et le lecteur. C’est celui qui permettra au manuscrit de quitter l’univers de l’auteur pour aller vers son destinataire.
C’est peut-être pour cette raison que j’ai du mal à illustrer mes propres livres : je trouve que le regard d’une autre personne les enrichit. Ils ne sont déjà plus totalement miens dès lors qu’ils sont illustrés, ou qu’une couverture est choisie…
Car voici une autre dimension de l’édition : faire du manuscrit un livre mis en page, et le doter d’une couverture qui le symbolise, l’explique en peu de mots, peu d’images, du mieux possible.
(Chez nous, le spécialiste dans ce domaine, c’est Bernard… et ce travail de création lui plaît davantage que de tenir la comptabilité, vous pouvez me croire)

Source : Collection de l’Encyclopédie du château de Menthon-Saint-Bernard.
Une fois que le livre existe, il s’agit de l’imprimer : trouver la meilleure solution, le tirage (pour combien de livres investit-on ? c’est-à-dire, très prosaïquement, combien d’argent bloque-t-on sur combien d’années, le temps de diffuser le livre ?)
Et là, soit l’on passe par un diffuseur (qui prend 60% du prix du livre) soit on diffuse soi-même, et l’on entre dans une autre vie : les salons, la tournée des librairies, les dédicaces, les articles de presse, les dossiers pédagogiques, et tout le travail de promotion, les vidéos, les posts sur les réseaux sociaux… tout ce qui fait vivre un livre !
On considère en librairie qu’un livre vit trois mois, rarement plus d’un an.
Nous sommes fiers de continuer de proposer nos livres, même datés de quelques années, à un public toujours plus grand, puisque nos ventes ne cessent de croître et que l’intérêt pour notre tortue Nyamba, comme pour la petite Tchoupa, ou encore pour les Danois de Barbara Kissling n’a jamais baissé.